Dépendance à la cocaïne : aux origines d’une addiction destructrice

Drogue dure bien connue sous sa forme de poudre blanche, la cocaïne intrigue autant qu’elle inquiète. Alors que ses effets destructeurs sur la santé des usagers continuent de s’aggraver, la question de comprendre ce qui mène à la dépendance reste cruciale.

Une drogue venue d’Amérique

Pour retracer les origines de la cocaïne, il faut remonter 3 000 ans avant notre ère et s’arrêter en Amérique du Sud où dans certaines régions, les feuilles de coca étaient consommées à des fins paramédicales. C’est à la fin du 19e siècle que la cocaïne fut extraite des feuilles de coca et synthétisée pour la première fois. Utilisée dans le cadre de l’anesthésie locale, elle gagne en popularité au sein de la haute société. « Sigmund Freud, neurologue autrichien et père de la psychanalyse, était un grand consommateur et avait imaginé que la cocaïne pouvait être utilisée dans le traitement de certaines maladies mentales comme la neurasthénie», révèle Serge Ahmed, directeur de recherche au CNRS de Bordeaux.

Dans les années 1920, aux Etats-Unis, lorsque les minorités raciales commencent à consommer cette drogue, les premières restrictions apparaissent. La situation s’aggrave dans les années 1980 avec l’essor du crack, une forme bon marché de cocaïne, consommé par inhalation. « C’est à ce moment que le problème de la cocaïne, tel qu’on le connaît aujourd’hui, a véritablement pris racine », souligne le chercheur.

Feuille de coca
Feuille de coca © Pexel
Le développement d’une addiction à la cocaïne ne suit pas de schéma général.
Serge Ahmed
Modélisation moléculaire de la dopamine
Modélisation moléculaire de la dopamine © Wikimédia

De la consommation à l’addiction

Mais, qu’est-ce qu’une addiction ? Serge Ahmed parle d’égodystonie, où les désirs du consommateur s’opposent à sa volonté. « Les personnes touchées ressentent une forte envie de réduire leur consommation, mais se retrouvent piégées dans un cycle de perte de contrôle », éclaire le chercheur. « La personne ressent un désir récurrent de limiter ou d’arrêter sa consommation, mais elle n’y parvient pas ». Ce n’est pas tout : pour qu’une personne soit considérée comme addict, ces symptômes doivent être observables pendant au moins 12 mois. « Si vous avez ces symptômes pendant 3 mois, on ne vous considérera pas comme addict et heureusement ! », ironise-il.

Une dépendance se manifeste chez environ 15 à 20 % des consommateurs, impliquant une combinaison de variables additionnelles. Selon Serge Ahmed, trois grands facteurs influencent la vulnérabilité d’un individu à l’addiction aux drogues : « On a des facteurs génétiques, qui façonnent la vulnérabilité d’un individu, […], des facteurs développementaux, qui peuvent notamment influencer le développement du cerveau […], et des facteurs environnementaux généraux, comme la culture, le cercle social, les facteurs de stress ou l’accessibilité aux drogues », énumère l’expert. « Le développement d’une addiction à la cocaïne ne suit pas de schéma général », ajoute-t-il.

En consommant de la cocaïne, le circuit de la récompense, un réseau dopaminergique impliqué dans le plaisir et la motivation, est directement altéré car la réabsorption de la dopamine, un neurotransmetteur clé dans ces mécanismes, est inhibée. Ce processus est crucial pour les effets plaisants de la drogue : en bloquant le transporteur de dopamine, la cocaïne augmente sa concentration dans le cerveau, intensifiant la sensation de plaisir.

Des effets sur la santé difficiles à identifier

Les effets de la consommation chronique de cocaïne sur la santé sont multiples et préoccupants. « Chez les personnes qui en consomment beaucoup, on peut observer des troubles cardiaques, avec un infarctus et une mort précoce. Pour les consommateurs qui sniffent la cocaïne, on observe des phénomènes de vasoconstriction, qui peuvent éventuellement conduire à des nécroses par exemple », alerte Serge Ahmed.

Sur le plan cognitif, les impacts de la cocaïne ne sont pas toujours évidents à démontrer, ce qui rend leur observation délicate. « Le problème avec la cocaïne, achetée dans la rue, est que même quand elle est jugée très bonne par les consommateurs, elle sera coupée avec d’autres produits », nous révèle Serge Ahmed.

« Les conséquences de la consommation sur le système cardiovasculaire ne sont pas forcément liées à la consommation de la cocaïne en tant que telle mais au fait que l’on y a rajouté des substances comme des médicaments ou de la poussière de verre pour un peu plus d’argent », ajoute l’expert. Quoi qu’il en soit, la vente de cocaïne et sa consommation sont interdites en France.

Charlotte Quemin