Les communautés amérindiennes et l’importance de l’usage des psychotropes

L’origine de l’utilisation des psychotropes par les humains remonte à des milliers d’années. Eric Navet, docteur en ethnohistoire et en anthropologie, revient sur l’utilisation de ces hallucinogènes dans les communautés amérindiennes. 

Pour eux, l’utilisation de ces psychotropes leur permet de se reconnecter à l’origine, et aux sens des choses.
Eric Navet
Champignon amanite tue-mouches (rouge à pois blanc)
Champignon amanite tue-mouches (rouge à pois blanc) © Éric Navet

Les psychotropes (produits qui agissent sur les fonctions du cerveau) existent par centaines, voire milliers. Leur usage est un point essentiel dans la vie des communautés amérindiennes. Ce sont des groupes de peuples autochtones des Amériques présents déjà avant les colons, qui possèdent diverses cultures, langues, traditions et histoires variées.

On retrouve en Amérique du Sud et Centrale des centaines de plantes psychotropes. Parmi ces psychotropes, on en trouve avec des effets plus ou moins puissants, comme l’ayahuasca (décoction de plantes), le takweni (sève hallucinogène provenant de l’arbre Brosimum acutifolium), la bière de maïs ou manioc, l’amanite tue-mouches, ou encore la feuille de coca. 

Bien que toutes ces substances aient différents effets, elles ont généralement un but commun : « Dans ces communautés, il y a un besoin et une volonté d’accéder à l’au-delà, au monde immatériel », explique Eric Navet. Et pour atteindre cet état, ils peuvent soit passer par le rêve, soit utiliser ces psychotropes.

Dans la plupart des croyances de ces communautés, il y a au départ à la création du monde, un monde unifié. Le but de cette consommation est donc d’atteindre cet « état de la création » et de « recoller avec l’origine, le sens des choses, lutter contre l’angoisse existentielle et s’en libérer », poursuit le chercheur. 

Les usages possibles

Selon Eric Navet, il existe pour eux deux manières principales de consommer ces psychotropes.

La première est l’usage dans les sociétés traditionnelles. « Il y a une utilisation de psychotrope, mais qui est réservée notamment à une certaine catégorie de chamans, ce n’est pas un usage qui est généralisé, précise l’ethnologue. C’est le cas chez les Teko, une communauté amérindienne vivant en Guyane. ».

Cet usage de psychotropes est souvent réglementé, surtout pour ceux ayant de forts effets. C’est pourquoi ils sont souvent réservés aux chamans, qui atteignent grâce à cela un état de « savoir » pour ensuite conseiller leur communauté. 

« Le takweni n’est pris que par le chaman, et cela fait partie de leur initiation, c’est ce qui leur permet d’accéder à certains états de conscience, à la compréhension des choses », précise le spécialiste.

Le second usage est celui dit « commun ». Certains psychotropes ayant des effets plus doux, comme la feuille de coca, peuvent être consommés par toutes les personnes d’une communauté sans réglementation particulière.

Eric Navet fait un parallèle avec ce qu’il se passe dans les pays occidentaux, et le considère comme un troisième usage, qui est l’expérience de psychotropes chimiques sans contrôle. 

L’importance du chamanisme

Le chaman est une figure spirituelle et culturelle, il est considéré comme un guide ou un guérisseur, qui agit comme une passerelle entre le monde des humains et celui des esprits. Il exerce sa fonction par vocation après une initiation.

Le chaman est celui qui va majoritairement consommer des psychotropes ou les administrer pour rentrer dans un certain état de transe, rentrer en contact avec le monde des esprits et y trouver des réponses. 

« La présence de la fonction chamanique est caractéristique des peuples traditionnels, car il y a chez eux, malgré les conflits, toujours une recherche d’équilibre », développe Eric Navet. C’est donc le chaman qui permet de garder cet équilibre de vie, et pour cela, il a différentes fonctions : garder un lien avec l’au-delà (il permet le lien entre morts et vivants), créer un lien avec l’environnement (il y a une volonté écologique), guérisseur (il trouve les remèdes dans les rêves lors d’utilisation de psychotropes) et un rôle social pour régler les conflits.

Ces nombreux rôles montrent qu’il a une place essentielle dans les communautés, car il apporte le savoir. Il n’est donc pas rare que le chaman soit aussi souvent le chef du village, c’est notamment le cas chez les Teko. Mais il peut également y avoir une répartition des fonctions entre le chef et le chaman. 

Chamane Teko de Guyanne pris en photo
Chaman Teko de Guyanne pris en photo © Éric Navet

Les psychotropes provenant de végétaux sont donc une part importante de la vie de ces communautés. Mais d’autres éléments pourraient être considérés comme psychotropes au sein de ces groupes, la musique par exemple prend une part très importante dans les rituels chamaniques.

Emma Odin