Voyage à 20 000 lieues sous les mers

Athina Tzevahirtzian

La curiosité, voici le moteur du parcours d’Athina Tzevahirtzian, chercheuse en sédimentologie à l’université de Bordeaux. À travers différents pays d’Europe, elle a pris le temps de faire mûrir sa passion : explorer l’histoire de la Terre et les origines des fonds marins.

© Athina Tzevahirtzian

L’histoire d’Athina débute au pays de l’Olympe. Née à Athènes, au bord de la Méditerranée, la future chercheuse est, dès l’enfance, proche de la mer et de la montagne. La plage, c’est son rendez-vous quotidien, que ce soit quand sa mère vient la chercher après les cours ou en vacances avec ses grands-parents. L’eau, c’est son élément ; c’est là qu’est née sa passion pour les sciences de l’environnement. Père grec et mère française, elle voyage une fois par an en France pour voir ses autres grands-parents pendant l’été. Sa double nationalité lui a permis de maîtriser les deux langues très jeune. Elle obtient son bac économique et social au lycée français d’Athènes en 2010, dans un contexte de crise économique importante. Athina choisit ensuite de partir en France pour poursuivre ses études et se rapprocher de son second pays d’origine. Passée par une licence de géographie à Montpellier dont une dernière année à Valence en Espagne, puis par un master en géographie appliquée à la gestion des littoraux, Athina réalise que ce domaine ne lui convient pas tout à fait : « je sentais que ce n’était toujours pas assez scientifique, […] ce qui me plaisait, c’était vraiment l’océanographie » confie-t-elle, « Avec la géologie marine, ce sont des domaines passionnants car tu découvres comment notre planète fonctionne ». Elle se lance alors dans un second master en océanographie à l’université de Bordeaux où elle se spécialise en sédimentologie et paléoenvironnement. 

La géologie marine et l'océanographie, ce sont des domaines passionnants car tu découvres comment notre planète fonctionne.
Athina Tzevahirtzian

« Une partie de mon cœur est en Sicile »

Athina accepte en 2018 un contrat européen « Marie Sklodowska-Curie » pour faire une thèse à l’Université de Palerme, en Sicile, sur les origines de la crise de salinité messinienne. Cette crise est datée entre 5 et 6 millions d’années, durant le Messinien (période géologique). À cette époque, la mer Méditerranée s’est fermée au niveau de Gibraltar provoquant l’évaporation et la hausse de salinité des eaux du bassin méditerranéen, et le dépôt de sels appelé « évaporites »

Les origines de cette période font l’objet de débats parmi les spécialistes : « Nous ne sommes pas toujours d’accord sur le mode de formation et la chronologie de dépôt des sédiments qu’on observe aujourd’hui sur le terrain », explique la chercheuse. Les alentours de Palerme sont des endroits adaptés à l’analyse de ces sédiments sur la terre ferme. On peut y extraire des carottes sédimentaires sans aller au fond de l’océan, un gain de temps et d’argent.

Ces quatre années l’ont marqué. Elle se sentait en Grèce, elle retournait dans sa ville natale. Les siciliens vivent dehors, il fait beau. La vie parait plus légère, plus simple, les gens sont chaleureux et souriants. Se retrouver et boire un verre, discuter, partager après le travail ne devient plus une option, c’est une habitude. Cette bouffée méditerranéenne, elle en avait besoin, ça lui manquait. Mais rester en Sicile n’a pas été une option. L’université manque de moyens et les conditions de travail sont compliquées.

© Antoine Lamielle, Wiki Commons

En 2024, Athina a effectué sa première mission océanographique à bord du Marion Dufresne, un navire dédié aux expéditions scientifiques et au ravitaillement des Terres australes et antarctiques françaises. Cette mission l’a conduite à explorer les fonds marins autour de l’île Tromelin, située dans l’océan Indien..

Les Comores, nouveau terrain de jeu

Après avoir fini sa thèse en 2022, Athina retourne à Bordeaux et accepte un contrat postdoctoral au sein de l’équipe Géologie Sédimentaire du laboratoire de recherche EPOC (Environnements et Paléoenvironnements Océaniques et Continentaux – université de Bordeaux, CNRS, Bordeaux INP, École Pratique des Hautes Études)Elle se concentre désormais sur les activités sédimentaires et volcaniques dans le bassin des Comores, un sujet qu’elle a déjà pu aborder lors de son stage de master 2. Cette expérience a abouti à sa première publication : une analyse morpho-bathymétrique, qui est l’analyse des formes des éléments du fond marin et une cartographie des structures volcaniques et tectoniques de la région. En 2018 au sud-est de Mayotte, une grande éruption sous-marine a provoqué de nombreux tremblements de terre et la formation en quelques mois d’un volcan sous-marin de plus de 800 m de haut. Le travail de la chercheuse consiste à explorer et analyser davantage cette zone très active, afin de reconstituer l’histoire volcanique de l’archipel au cours des derniers 2 millions d’années. L’enjeu est d’analyser les sédiments et les fonds marins pour mieux comprendre comment s’est formé et à évolué l’archipel. Parallèlement à ses recherches, Athina enseigne à l’université de Bordeaux. C’est une activité qui lui plait. Le partage et la curiosité sont des valeurs centrales dans sa vie, qu’elle entretient à travers son sport, la danse africaine, et dans ses voyages. C’est pour cette raison qu’elle a toujours tenu à parler les langues des pays qu’elle visite : maîtriser une langue, c’est s’imprégner de la culture et apprendre de ses valeurs. En somme, Athina est un pur produit de la Méditerranée : souriante, bavarde, nourrie par le soleil et passionnée par ce qu’elle fait.

Écrit par Erwan Le Gac