Un parcours cultivé par la passion et le hasard
Didier Alard
Une paire de jumelles, un bon café et des heures pour contempler la nature, c’est tout ce qu’il faut à Didier Alard pour passer un bon moment. Enseignant-chercheur ayant commencé sa carrière à l’université de Rouen et maintenant directeur de l’unité Fauna (l’observatoire de la faune sauvage) au sein du laboratoire BioGeCo (INRAE, université de Bordeaux), il se rapproche doucement de la retraite. Après un parcours qui force l’admiration, il revient sur l’origine de ce qui l’a toujours poussé vers les sciences.
Didier Alard a un parcours académique, qu’on pourrait qualifier de linéaire. Il a commencé avec une licence de sciences naturelles, puis a enchaîné une maîtrise, un DEA (Diplôme d’études approfondies), une thèse, puis enfin a été recruté par l’université. Mais que ce soit pour ses études ou la suite de son parcours en tant qu’enseignant-chercheur, peu de tout cela était calculé, il le dit lui-même : « c‘est complètement dû au hasard. Parce que moi, je n’étais pas du tout parti pour faire ça, en fait ».
Le contemplatif, du jardin aux bancs de la fac
Dès son enfance, il est vrai qu’il a toujours été attiré par la nature. Il se souvient en riant : « quand j’étais gamin, il y avait une série télévisée […]. Et ça s’appelait Daktari. Je revois encore la musique. Et c’était un vétérinaire qui soignait des lions, des girafes, tout ça. Et donc moi, c’était mon métier. Je voulais faire ça, je voulais faire vétérinaire ».
Passionné par la faune, il adorait observer dans son jardin les animaux et voir comment ils fonctionnaient. Il affirme « Moi, j’étais un contemplatif. J’étais un rêveur, quoi ». C’est cet esprit contemplatif qui va l’amener à collectionner de nombreux artéfacts d’animaux, et même à se lancer dans la taxidermie lors de son adolescence, pour toujours mieux comprendre le monde qui l’entoure.
En grandissant, il se détache doucement du rêve d’enfant de devenir vétérinaire en étant confronté à la réalité de la concurrence académique pour y accéder. Mais toujours passionné par la faune, il se dirige vers une licence de sciences naturelles, mûrissant l’idée, comme le père de sa petite amie à l’époque, de devenir à son tour un professeur.
La série télévisée Daktari a eu une place très importante dans l’enfance de Didier Alard. En effet, n’ayant pas école le jeudi, il attendait avec impatience ce jour afin de pouvoir regarder cette série. C’est elle qui a été à l’origine de sa passion pour la faune.
Des rencontres qui façonnent un étudiant
Ses parents n’étant pas familiers avec les sciences, c’est sa rentrée à l’université qui lui ouvre les portes de ce domaine. Espérant faire de la zoologie car c’était ce qui l’intéressait à l’époque, il se retrouve face à la réalité de professeurs de zoologie qui ne correspondent pas à ses attentes.
Mais ce qui l’a façonné dans le monde des sciences, ce sont les rencontres.
La première rencontre qui l’a chamboulé c’est Bernard Boullard, son professeur de botanique. Il raconte : « j’ai eu un professeur qui s’appelait Bernard Boullard. […] qui était un spécialiste des mycorhizes (résultat d’une symbiose entre un champignon et une racine de plante). Et là, je suis tombé amoureux de ça. Le premier cours, j’étais au fond de l’amphi. Le deuxième cours, j’étais au premier rang ». À cette époque, la botanique ne l’avait jamais particulièrement intéressé, mais cette rencontre va lui faire changer de direction. Il deviendra par la suite le directeur du laboratoire dans lequel ce professeur était aussi directeur à l’époque.
Après sa maîtrise où il finit major de promo, c’est son professeur Pierre-Noël Frileux qui lui propose et permet de continuer ses études en DEA à Paris, pour ensuite faire une thèse. Et avant de commencer sa thèse, nouveau coup du sort. C’est un ami à lui qui quitte son poste au Muséum de Rouen et le lui recommande, lui permettant alors de pouvoir réaliser sa thèse en parallèle.
Une bonne étoile tout au long de sa carrière
On le comprend bien ici, il y a une bonne étoile au-dessus de la tête de Didier Alard.
Après la fin de ses études, c’est durant sa carrière qu’il rencontre lors d’un colloque à Paris, Gérard Balent, directeur de recherche à l’INRA de Toulouse [NDLR en 2020 l’INRA et IRSTEA, deux organismes de recherche publique ont fusionné pour devenir INRAE]. Cet homme va être pour lui un électrochoc sur la manière dont il veut mener ses recherches. Et lors de ses deux ans à Toulouse, c’est avec lui qu’il va travailler. Il raconte : « moi j’ai eu la chance de faire des rencontres, je pense que la recherche c’est un peu ça aussi, c’est de rencontrer des bonnes personnes et des belles personnes. […] et Gérard c’est devenu un ami,[…] ça m’a ouvert sur une autre littérature scientifique, et ça a été un petit peu le choc culturel ».
Un message à faire passer
A maintenant 60 ans, Didier Alard approche de la retraite, mais pour lui ce n’est pas synonyme d’ennui. Il parle avec passion de la recherche mais nuance que même s’il fait un métier de passion, il réalise aussi des choses passionnantes et personnelles à côté, et qu’il est important de ne pas confondre le métier et la vie. Il dit : « je pense qu’il ne faut pas attendre son métier uniquement pour vivre ses passions. J’ai la chance d’avoir un métier passionnant, mais j’ai aussi la chance de faire des choses à côté qui me passionnent encore plus ».
Et il souligne que si la recherche et les sciences nous intéressent, il ne faut pas hésiter, qu’il existe de nombreuses façons d’en faire sans suivre un parcours académique. Il faut poursuivre ses passions.
Écrit par Emma Odin