Les décisions qui ont déterminé sa carrière
Cyril Herry
Une carrière scientifique se construit avec le temps. Pour Cyril Herry, directeur de recherche au Neurocentre Magendie, ce sont des rencontres, des événements, et une pointe de hasard qui l’ont amené où il est aujourd’hui. Mais tout n’est pas dû à la chance ! C’est avec un esprit curieux et une grande envie de comprendre que le chercheur a débuté sa carrière.
Tout a commencé au cours de l’enfance, où Cyril Herry avait déjà un goût prononcé pour la découverte. Grandissant dans une famille qui se tournait plutôt vers la croyance, beaucoup de ses questions restaient sans réponses, et cela ne le satisfaisait pas. Son envie de connaître le fonctionnement des objets et les mécanismes sous-jacents a eu raison de nombre de ses jouets qui se retrouvaient décortiqués (comme un train électrique par exemple) afin d’en révéler les mécanismes intrinsèques. Un goût pour les découvertes et la rationalité qui fut à l’origine de son intérêt pour les sciences.
La découverte de son domaine d’étude
Après un baccalauréat en biologie, sa matière de prédilection à l’époque, il continue ses études dans ce domaine à l’université. C’est au cours d’un stage pratique en recherche, lors duquel il prélevait des hormones sur des esturgeons, qu’est née sa volonté de faire une carrière scientifique centrée sur la recherche. Vient alors une licence et une maîtrise en sciences cognitives, où il développe un goût pour la transdisciplinarité, et qui va fixer ce qui est aujourd’hui son domaine d’étude. Il y étudie notamment la compréhension du fonctionnement de plusieurs systèmes complexes, tel que le cerveau humain en tant que système de traitement de l’information. L’analyse se faisait sous plusieurs angles d’approche, aussi bien mathématique, computationnelle, philosophique, que biologique. Parmi tous ces sujets, ce sont des cours sur les neurosciences qui vont principalement le marquer et lui donner envie de continuer dans cette voie avec la réalisation de sa thèse dirigée par le professeur René Garcia, puis d’un postdoctorat en Suisse sous la direction du Professeur Andreas Lüthi, figure incontournable des neurosciences des émotions.
Ses passions : passer du temps avec sa famille qui lui permet de se ressourcer, le jardinage, qui lui permet de se vider la tête. Il y aussi le bricolage, une passion très utile dans son métier qui nécessite régulièrement de construire et réparer des appareils de mesure, et qui lui a aussi permis de pouvoir remonter son train électrique.
Des recherches pour améliorer la santé
Ses premiers travaux de recherche portaient sur l’extinction des réponses de défense, c’est-à-dire les mécanismes dans le cerveau qui permettent d’inhiber les réponses émotionnelles de peur. Après presque 10 ans de recherche passionnée sur les circuits neuronaux des réponses de défense, ses recherches se concentrent aujourd’hui sur l’influence des émotions sur la prise de décision. Plus précisément, avec le projet FEARLESSPAIN, il travaille sur la représentation dynamique des états émotionnels positifs et négatifs dans le cerveau au cours du choix, une question qui l’a toujours fortement intéressé.
Le but ultime de ses recherches est de développer de nouvelles approches thérapeutiques pour traiter les troubles anxieux, qui représentent les pathologies psychiatriques les plus prévalentes. Avec son équipe, ils ont réussi à identifier des biomarqueurs (caractéristiques biologiques mesurables) de l’anxiété chez le rongeur puis chez l’humain. La prochaine étape est maintenant d’essayer de les implémenter en tant que nouvelles approches thérapeutiques chez le patient souffrant de troubles anxieux. Ces recherches sont en partie soutenues et financées par la Fondation pour la recherche médicale, qui a jugé leur projet innovant et prometteur.
Une transmission qui lui tient à cœur
Avec ses années d’expérience, il porte maintenant beaucoup d’importance à la transmission. Notamment avec ses étudiants en thèse, avec qui il développe des projets sur plusieurs années. D’ailleurs, selon lui « le but de la thèse n’est pas seulement de réaliser des expériences scientifiques pour démontrer une hypothèse ; elle sert aussi à apprendre le métier de scientifique ». Or, les questions que doit se poser un scientifique sont nombreuses ! Comment faire de la science et quel est son but ? Pourquoi doit-on contrôler ce qu’on découvre ? Comment doit-on se poser des questions sur ce que l’on l’observe ?
Toutes ces questions sont selon lui nécessaires pour développer des compétences scientifiques, les découvertes scientifiques étant souvent liées à l’observation des phénomènes naturels. Plus précisément, il aime transmettre comment observer la nature et identifier des choses inattendues qui pourront peut-être mener à des recherches et découvertes importantes. Il prend comme exemple un événement qui lui est arrivé au début de sa carrière lors d’une école d’été en neuroscience. Alors qu’il apprenait à ses étudiants à implanter des électrodes pour enregistrer l’activité du cortex préfrontal, les étudiants ont enregistré une autre structure cérébrale sans le vouloir. Cependant, les résultats obtenus n’en étaient pas moins intéressants. Ils indiquaient que certains neurones s’inhibaient très fortement lorsque les animaux présentaient des réponses émotionnelles de peur. Cette découverte a conduit à des recherches plus approfondies qui se sont terminées avec une publication importante.
Ce sont des messages comme celui-là que Cyril Herry prend plaisir à transmettre. Il assume entièrement son rôle envers les étudiants dans leur quête pour devenir chercheurs, et il en est fier ! Plusieurs d’entre eux sont aujourd’hui des chercheurs chevronnés. « Ma plus grande fierté, c’est le succès de mes étudiants passés ». Une place importante de guide qui lui permettra sûrement d’être lui-même une figure clé de plusieurs carrières scientifiques.
Écrit par Lucie Gallardo