Une ingénieure en pleine ascension
Célia Pelluet
Célia Pelluet est ingénieure en physique optique au CNES (Centre national d’études spatiales) et titulaire d’un doctorat en physique atomique, spécialisé dans l’interférométrie d’atomes ultra-froids en microgravité. Elle incarne une nouvelle génération de scientifiques déterminée à repousser les frontières de la connaissance tout en s’engageant pour l’égalité des genres en science. Passionnée, le regard tourné vers les étoiles dès le plus jeune âge, son cheminement est un exemple de persévérance et d’excellence, marqué par son passage à Bordeaux, une région qui a influencé son développement scientifique et personnel. Ses travaux ont été récompensés par le prix L’Oréal-UNESCO des jeunes talents de 2023, qui reconnaît à la fois ces recherches et ces actions en faveur de l’égalité des sexes dans le domaine scientifique.
Sa voie
Fascinée par l’astronomie et les mystères du cosmos grâce aux incroyables images des galaxies, son attrait ne se pose pas sur l’aérospatial ni sur le fait de devenir ingénieure car à ce jeune âge, elle ne se dit pas qu’elle peut rentrer dans un milieu dit de ‘’mecs’’. C’est au lycée que sa professeure passionnée de physique invite des chercheurs à venir expliquer leurs recherches dans sa classe. Cela renforce son souhait d’aider à répondre aux grandes questions de l’univers. « Ça fait super pompeux, mais c’est sympa quand même de rêver ça quand t’es plus jeune » ajoute-t-elle entre deux rires. Après un baccalauréat scientifique, elle s’engage dans une classe préparatoire à Lyon avant d’intégrer une école d’ingénieurs en région parisienne, spécialisée en optique. Et c’est à Bordeaux que son destin scientifique décolle.
Elle choisit cette ville pour sa deuxième année de master en interaction lumière-matière, un domaine qui allie la lumière des lasers et les atomes pour explorer l’infiniment petit, à l’antenne de Bordeaux au sein de l’Institut d’Optique d’Aquitaine à l’Institut de photonique, numérique et nanosciences (LP2N, unité CNRS, IOGS et université de Bordeaux). Cet institut lui permet de s’épanouir et de mener des recherches uniques notamment dans le cadre de sa thèse en physique atomique, qu’elle effectue à l’université de Bordeaux. Elle y explore l’interférométrie d’atomes ultra-froids en microgravité. C’est une technique où elle utilise des atomes refroidis à des températures proches du zéro absolu, qui deviennent immobiles. Avec ces atomes immobiles, elle s’aide de lasers pour pouvoir manipuler les atomes qui sont en chute libre, en impesanteur comme dans une station spatiale, pour avoir une durée d’expérience plus longue et obtenir des résultats et des informations plus précises sur ses expériences. Venir à Bordeaux est un pari et il est réussi, lui offrant un environnement scientifique de pointe tout en préservant une qualité de vie équilibrée.
Ses missions spatiales
Après sa thèse, Célia rejoint le CNES, où elle travaille sur des missions spatiales audacieuses. Parmi elles, CARIOQA, la première mission à envoyer dans l’espace un accéléromètre quantique, un instrument qui mesure les propriétés des ondes quantiques émises par les atomes lors des accélérations non gravitationnelles, et LISA, qui vise à détecter depuis l’espace les ondes gravitationnelles, des oscillations dans le tissu élastique de l’espace-temps produites par des phénomènes les plus violents du cosmos comme une explosion d’étoiles par exemple. Elle gère, avec ses collègues, l’interaction entre la connaissance scientifique qui provient des labos et la compétence industrielle qui provient des entreprises transformant les idées en expériences spatiales tangibles. Le CNES, quant à lui, amène l’expertise spatiale, c’est-à-dire la gestion d’un projet spatial. En tant qu’ingénieure et grâce son expérience proche de la technique, Célia a une vision globale du projet. Avec cette médiation, elle aide à détecter d’éventuels problèmes de communication entre les différentes personnes du projet. Mais pas que, en effet, elle travaille dans ce qu’ils appellent « des chambres à vide », des sortes de boîtes en métal où l’on aspire tout l’air pour recréer un environnement proche du vide spatial. Des atomes sont vaporisés dans cet espace pour observer et comprendre comment ces atomes se comportent. Son travail consiste aussi à miniaturiser ces systèmes pour les adapter à des satellites. Cela permet d’étudier des phénomènes comme la gravité avec une précision jamais atteinte depuis l’espace.
Célia Pelluet lors de l’interview cite « l’effet Matilda ». L’effet Matilda met en évidence que les femmes scientifiques profitent moins des retombées de leurs recherches, et ce souvent au profit des hommes. C’est à la suite d’une théorie appelée « effet Mathieu » par Robert Merton que vingt ans plus tard, Margaret Rossiter, historienne des sciences, reprend cette thèse pour y approfondir sa théorie lorsqu’il s’agit de femmes scientifiques, ce phénomène est décuplé.
Un engagement à toutes épreuves
Récompensée par le prix L’Oréal-UNESCO pour les Jeunes Talents en 2023, Célia se distingue par ses travaux et aussi par son engagement pour la parité dans les sciences. Elle milite activement pour déconstruire les stéréotypes qui freinent encore l’accès des femmes aux carrières scientifiques. À travers des initiatives de vulgarisation scientifique, souvent teintées d’humour, elle partage son quotidien de chercheuse et d’ingénieure, inspirant de nombreuses jeunes filles. Vous pouvez notamment retrouver ses aventures sur sa page Instagram : @celiablaguedetrop
En dehors du laboratoire, Célia s’illustre dans la médiation scientifique. Passionnée par la communication, elle utilise l’humour pour rendre accessibles des concepts complexes. Pour elle, expliquer la science au grand public est un prolongement naturel de son désir de partage. Cette double casquette de scientifique et communicante reflète son originalité et sa volonté de briser les cloisons entre la recherche et la société. Elle confie : « Quand tu es une femme dans ces milieux-là, c’est un combat. Toi tu as juste envie de faire un métier qui te plaît et tu deviens un modèle ou un combat politique alors que t’avais rien demandé. On n’a pas le choix, on est obligée, il faut l’assumer. ». Elle admet que l’humour l’aide à surmonter ces défis et à trouver un équilibre entre ses nombreuses activités.
À seulement 28 ans, Célia Pelluet incarne une génération de scientifiques conscientes de leur rôle dans la société. Engagée sur les plans scientifique et sociétal, elle conjugue avec brio, rigueur académique et enthousiasme communicatif. Son parcours ouvre une voie inspirante pour celles et ceux qui rêvent de concilier excellence et humanité dans leur carrière.
Écrit par Pauline Manicacci