Ces bactéries qui nous veulent du bien !

Charlotte Brives

Discuter avec Charlotte Brives, c’est entrer dans le monde passionnant de l’étude et de la compréhension des bactéries et des virus. Et plus particulièrement des « phages », un virus de bactérie, inoffensif pour l’Homme qui peut se révéler pourtant très utile pour notre corps.

© Centre Emile Durkheim

C’est après une licence en biologie cellulaire et génétique que Charlotte Brives, directrice de recherche au CNRS, a souhaité se lancer dans la folle aventure de la virologie, étant passionnée par ce domaine. « On a tous et toutes des passions un peu bizarres, dans mon cas, c’était l’étude des fièvres hémorragiques comme Ébola », confie-t-elle.

Mais, c’était sans compter sur un directeur de master de cette discipline peu compréhensif. Malgré tout cela, il en a fallu plus pour décourager la jeune femme qui s’est ensuite réorientée pour intégrer une nouvelle licence d’ethnologie directement en troisième année, discipline qui lui a fait découvrir le domaine de l’anthropologie des sciences (l’étude et le rapport des Hommes dans les sciences).

C’est notamment grâce aux travaux de Bruno Latour sur l’étude des sciences et des technologies que celle-ci a cherché à comprendre comment les innovations se développent en société, et plus particulièrement comment elles ont été construites. Cette question reste toujours au cœur de ses recherches et de ses ambitions.

Après avoir validé sa thèse, elle a participé à des essais cliniques sur le domaine du VIH à Abidjan et au Burkina Faso, dans le but d’étudier d’un côté l’impact de la mise en place d’un traitement précoce des personnes séropositives (positives au VIH). Et de l’autre, l’utilisation d’un traitement limitant l’apparition, la propagation ou la diffusion de la maladie à des bébés séronégatifs nés de mères séropositives.

Dans la continuité de son parcours, cette anthropologue des sciences de la santé a passé le concours afin d’être chercheuse au CNRS en 2016, qu’elle a obtenu. Elle est aujourd’hui directrice de recherche CNRS, au Centre Émile Durkheim.

Elle a d’ailleurs reçu le financement d’un projet ANR concernant l’utilisation de virus pour soigner.

Des étoiles à la Terre

Quand on voit l’engagement de Charlotte Brives pour ses recherches, on a vite l’impression qu’elle était prédestinée à poursuivre son parcours dans le domaine scientifique, tant sa passion pour l’étude des sciences est évidente. Quand la plupart des enfants jouaient à l’extérieur, cette scientifique en puissance écrivait des lettres afin de demander des informations au Centre national d’études spatiales (CNES) ou encore à l’Institut Pasteur. Grâce à cela, elle a pu obtenir différentes cassettes VHS et documents informatifs pour alimenter sa passion. Mais, c’est lorsqu’elle commença à s’intéresser à la biologie que tout chavira « [en parlant de la biologie] et ça continue aujourd’hui : c’est-à-dire qu’il y a vraiment quelque chose que je trouve absolument fascinant dans les êtres vivants, dans les écosystèmes, et dans l’écologie. »

Aujourd’hui, elle est fière de son parcours et de faire partie d’une communauté scientifique qu’elle décrit comme « ouverte, mais conservatrice » et dans laquelle elle a pu s’épanouir professionnellement malgré quelques obstacles. Elle mentionne notamment l’évolution négative des conditions de travail dans le domaine de la recherche, avec la présence d’une compétition féroce entre les chercheurs, ainsi que la nécessité de publier des articles scientifiques, un manque de moyens de plus en plus criant, ou encore la pression qui est liée à ce métier.

Cependant, cette directrice de recherche se dit relativement épargnée par ces obstacles qui gravitent davantage autour d’elle et de son entourage professionnel (principalement ses collègues universitaires), plus qu’il ne la touche directement.

Illustration des cassettes reçues par Madame Brives lors de son enfance © Stephen Holdaway via Unsplash

« Il y a vraiment quelque chose que je trouve toujours absolument fascinant dans les êtres vivants, dans les écosystèmes, dans l’écologie ».

Charlotte BRIVES

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En 2022, elle publie le livre Face à l’antibiorésistance : une écologie politique des microbes à destination du grand public dans lequel elle met en avant un sujet de santé majeur : l’antibiorésistance « la capacité des bactéries à résister aux antibiotiques ». Elle présente dans son livre la présence des antibiotiques dans tous nos écosystèmes, comme dans l’agriculture, la nourriture, l’eau. Elle met en lumière le fait que les bactéries s’adaptent très vite et ne sont plus aussi facilement éliminées par les antibiotiques, mais qu’elles évoluent. En 2024, Charlotte Brives publie un deuxième livre intitulé Pluribiose : travailler avec les microbes, issu d’une conférence qu’elle a donné à l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), un livre davantage à destination des chercheurs. Elle met en avant l’intérêt de travailler avec les phages afin de pallier cette antibiorésistance, mais met en garde sur les conditions dans lesquelles ils devraient être utilisés.

Cette directrice de recherche du CNRS a toujours autant à cœur de continuer ses recherches sur ce sujet pour répondre à des enjeux sociaux, politiques et en santé. À l’avenir, elle souhaite également poursuivre ses recherches sur l’utilisation des phages dans le domaine agricole.

Écrit par Calliopée Archambault