Hurlements du ciel : mystères et puissance de la foudre
« La foudre, c’est la crainte la plus ancestrale : c’est le feu du ciel. » Raymond Piccoli, spécialiste de la foudre et directeur du Laboratoire de Recherche sur la Foudre à Champs-sur-Tarentaine (Cantal), raconte les origines d’un phénomène atmosphérique complexe.
Zeus, Thor, Jupiter, Indra… Depuis les premières civilisations, ces jets de lumière seraient la manifestation de la puissance et de l’autorité des dieux.
L’expression contemporaine « toucher du bois » par exemple, tire son origine d’une crainte ancienne des orages. À l’époque romaine, il fallait frapper trois fois un chêne et déposer des offrandes pour ne pas déchaîner le feu du ciel. « Le chêne, chez les Romains ou Yggdrasil dans la mythologie nordique, c’est ce qu’on considérait comme un arbre-monde : une liaison entre la terre des humains et le ciel des dieux », développe Raymond Piccoli. Ce rite permettait ainsi de s’attirer la protection du dieu.
À l’époque de l’art gothique au Moyen Âge, les églises sont construites en hauteur et orientées vers le ciel pour les rapprocher de Dieu. En haut des colonnes, de nombreuses églises sont gravées des feuilles d’acanthes. Pour plus de protection, sur au moins une colonne, la gravure d’une joubarbe remplace la feuille d’acanthe. C’est l’imbrication du culte païen dans les croyances de religions chrétiennes : la joubarbe considérée comme plante paratonnerre. Jovis barba, la barbe de Jupiter : elle prospère et est très vivace.
« Comme elle portait le nom de Jupiter, elle avait, dit-on, la vertu de repousser la foudre », précise Raymond Piccoli.
Quel calme avant la tempête ?
« Un orage se forme lorsqu’il y a de l’énergie latente dans l’atmosphère sous forme de chaleur et d’humidité. Lorsque les conditions climatiques s’y prêtent, une dynamique complexe se développe dans l’atmosphère », explique le scientifique.
Un effet de convection se produit alors. La vapeur d’eau contenue dans le nuage de départ se condense. Cette instabilité croissante fait monter le cumulus plus haut dans les strates de l’atmosphère. Arrivé à la limite de la troposphère (entre 10 000 et 18 000 mètres d’altitude environ selon les latitudes), il ne peut plus monter et s’étale : c’est la formation de l’enclume, et la phase mature du cumulonimbus.
Lorsque la charge électrique dans le nuage augmente, l’air commence à se charger en ions en créant un chemin conducteur. L’énergie se libère sous la forme de décharges électriques : les éclairs. Lorsque l’un d’eux touche le sol, il prend le nom de « coup de foudre ».
La taille et la violence de ce phénomène météorologique dépendent du type d’orage, allant de l’orage local, dit « monocellulaire » aux impressionnantes « supercellules ».
Un phénomène toujours mystérieux
La foudre est également indispensable à toutes les formes de vie sur terre et participe à leur maintien. En effet, c’est elle qui régule une grande partie des champs électriques terrestres.
Mais les orages restent particulièrement complexes à étudier : « C’est l’un des phénomènes naturels où il y a encore le plus d’inconnus », confirme Raymond Piccoli. La nature des farfadets, ou « sprites », en est le parfait exemple. « Les farfadets sont les manifestations lumineuses des réactions photonucléaires produites au cœur des orages violents » , ajoute le spécialiste.
En produisant des ionisations en haute atmosphère, les farfadets parcourent le ciel sur plusieurs dizaines de kilomètres de hauteur, ils sont même parfois visibles à l’œil nu. Ils constituent les données observationnelles permettant d’approfondir nos connaissances des orages, mais leurs propriétés restent un mystère. Néanmoins, l’orage peut servir à l’étude d’autres phénomènes : « L’activité foudre est l’un des thermomètres de la Terre, c’est l’un des marqueurs du réchauffement climatique. »
La foudre, l’un des indicateurs du réchauffement climatique
« Il suffit d’une petite variable au niveau des paramètres pour avoir des phénomènes amplifiés. Un degré de plus au niveau de la mer augmente de 7 à 10 % le volume de précipitations d’un épisode cévenol (caractérisé par des orages violents et très pluvieux provoquant des inondations, ndlr) c’est important ! », avertit Raymond Piccoli.
Les orages, générateurs des tornades, des ouragans, ou d’autres événements météorologiques violents sont voués à s’intensifier avec les dérèglements climatiques progressifs. Pour se prémunir des dangers de la foudre, toucher du bois ou s’entourer de joubarbes ne suffit pas, la prudence élémentaire et les paratonnerres permettent de contribuer à se protéger.
En effet, la foudre parcourt la plupart du temps le moins de distance possible avant de frapper la surface de la terre. Le paratonnerre, judicieusement installé, constitue un bon système de protection pour canaliser son énergie.
Gabrielle Laupie