Quand les algorithmes

révolutionnent la médecine

Dans un monde de plus en plus connecté et numérisé, le secteur de la santé n’échappe pas à cette démocratisation. Dans la recherche, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) est moteur de l’innovation numérique dans diverses thématiques : robotique, éducation, santé numérique, etc.
C’est dans cet institut que travaille Judith Abécassis au sein de l’équipe SODA, qui utilise des méthodes computationnelles et mathématiques pour analyser les données liées à la société et à la santé.

On peut définir la santé numérique par l’ensemble des outils et moyens technologiques permettant de recevoir des soins médicaux personnalisés. Chaque individu peut participer à la gestion de sa santé en accédant à des informations médicales fiables. On peut penser aux 350 000 applications mobiles de santé existant dans le monde et permettant d’accéder à des outils de santé personnalisés. Une rupture nette avec la médecine traditionnelle rendue possible par l’évolution des outils numériques, comme l’intelligence artificielle (IA).

Multiples cardiogrammes alignés (image générée par l'IA) © Unsplash
Multiples cardiogrammes alignés (image générée par IA) © Unsplash

L’IA au cœur du domaine hospitalier

L’IA est composée d’un ensemble d’algorithmes capable d’apprendre et de réaliser des tâches spécifiques. Dans le domaine de la santé, elle permet une aide dans la construction des prédictions et le développement de traitements adaptés aux patients. C’est le métier de Judith Abécassis de développer des outils de traitement de données, à l’aide d’études statistiques sur les données des patients. Elle travaille au sein de l’Inria dans l’équipe SODA, en collaboration avec l’AP-HP pour Assistance publique – Hôpitaux de Paris, comptant pas moins de 10 millions de patients. Ces derniers sont la base de données dont Judith Abécassis a besoin, c’est un travail long et qui nécessite une organisation rigoureuse. Elle affirme même que « 80 % du temps consacré aux données sert à les préparer, avant de passer à la phase d’analyse, qui est plus rapide ».
L’IA a déjà montré son utilité en imagerie médicale dans la détection de fractures ou encore de tumeurs cancéreuses. Une avancée qui pourrait être décisive dans la détection de maladies plus graves.

La crise Covid, l’élément déclencheur

En 2020, la crise Covid a mis en lumière la difficulté de la collecte de données en temps réel, afin d’avoir des résultats concrets et des traitements adaptés aux patients. Avant la mise en place de programmes automatisés, ce sont les ingénieurs qui ont collecté et structuré les données. Il ne faut pas oublier que « l’IA est un outil d’apprentissage qui fait ce qu’on lui dit », souligne Judith Abécassis. Cet outil ne peut gérer des situations inédites, car il ne fait que répéter les mêmes actions en boucle. Les machines apportent une aide précieuse aux scientifiques, mais ne sont en aucun cas capables de prendre des décisions de manière autonome. L’IA est un outil très utile pour les scientifiques, mais encore aux prémices de son potentiel.

Si on commence avec une question ou des données biaisées, on peut conclure n’importe quoi.
Judith Abécassis

Vers une centralisation des données ?

Plusieurs facteurs sont à prendre en compte dans ces démarches d’automatisation. Tout d’abord, la corrélation entre les données et les erreurs dans les programmes. « Si on commence avec une question ou des données biaisées, on peut conclure n’importe quoi », précise la chercheuse. Il faut également faire attention aux erreurs de causalité qui peuvent engendrer de mauvaises décisions thérapeutiques. C’est une prise en compte totale de la vie du patient qu’il faut considérer et ne pas établir un traitement se concentrant sur un seul résultat d’analyse.
Enfin, la question de la protection des données est un sujet d’actualité, surtout au sein de l’Union européenne avec le Règlement général de protection des données (RGPD). Une centralisation numérique des données pourrait être accessible pour tous les professionnels de santé dans quelques années. Malgré tout, une centralisation complète des données personnelles de santé pour tous ceux exerçant dans le milieu reste un sujet controversé dans le débat public.

Schéma montrant l’utilisation de l’IA avec l’intégration de données multimodales en oncologie © Lipvoka, Jana et al.
Schéma montrant l’utilisation de l’IA avec l’intégration de données multimodales en oncologie © Lipvoka, Jana et al.

Laure Berne