Entre philosophie et droit
Yoann Nabat
Yoann Nabat est le nouveau maître de conférences en droit au sein du plus grand département de Langues étrangères appliquées (L.E.A) de France, celui de l’Université Bordeaux Montaigne. Spécialiste de droit privé et sciences criminelles, rattaché au laboratoire Médiations, informations, communication, arts (MICA – Université Bordeaux Montaigne), il revient sur son parcours.
Un cheminement progressif vers le droit
Dans un des bâtiments aux fenêtres donnant sur le parvis de l’Université Bordeaux Montaigne, un bureau est encore en train d’être aménagé. Et pour cause : un de ses occupants est Yoann Nabat, récemment nommé au sein du département de Langues étrangères appliquées (L.E.A). Encore en train de prendre ses marques dans ce nouvel environnement, le jeune enseignant-chercheur accepte de revenir sur son parcours.
Durant son enfance en Mayenne, Yoann nourrit une sensibilité toute particulière aux lettres. Concrétisée par l’obtention d’un baccalauréat littéraire spécialité latin option théâtre, cette appétence se développe aux côtés d’une certaine curiosité pour les chroniques judiciaires. « J’écoutais beaucoup L’heure du crime à la radio, je regardais des documentaires sur les tueurs en série. J’avais une certaine fascination sur le rôle des enquêteurs, des avocats : c’est à ce moment-là que je me suis dit avoir envie de faire du droit. » confesse-t-il. Un premier élan que le jeune lycéen va confronter à la réalité de la pratique dans le cadre d’immersions à la faculté. Fort de ce premier regard, Yoann choisit de débuter son cursus universitaire au sein d’une double licence droit – philosophie à l’université Lyon 3 afin de ne pas délaisser cette deuxième discipline dont il s’est passionné au lycée. C’est pourtant avec l’ambition de devenir magistrat que le jeune homme s’inscrit en Master de droit pénal et sciences criminelles de l’université de Bordeaux une fois diplômé de sa double licence. Une première année bordelaise de dur labeur qui débouche sur son admission au sein du Master de criminologie.
La découverte d’un goût pour la recherche
Cette deuxième année de Master sera celle de sa découverte du travail de recherche universitaire. Voulant lier le droit pénal, la criminologie et les nouvelles technologies – une autre de ses passions – il rédige un mémoire sur la préhension des données personnelles par le droit pénal. Un sujet conseillé par sa responsable de formation d’alors, Virginie Peltier, qui le dirigera ensuite dans le cadre de sa thèse. Yoann se rappelle : « J’ai alors réalisé que j’adorais faire de la recherche, et l’idée d’une thèse était tout à fait compatible avec le fait d’intégrer la magistrature plus tard. » Cinq années de travail s’ensuivent durant lesquelles le doctorant réalise en parallèle un Master en philosophie avec un mémoire intitulé Libéralisme et nouvelles formes de surveillance et encadré par Barbara Stiegler. En juin 2023, la soutenance de sa thèse Fichiers de police et de justice et libertés fondamentales sonne comme un aboutissement. « Un des membres de mon jury de thèse était le responsable de formation lors de ma double licence à Lyon. La boucle était bouclée. » se réjouit-il encore.
Co-fondé en septembre 2023 par Yoann Nabat et Élia Verdon, doctorante en droit public et en informatique, l’OSD vise à dresser un état des lieux des dispositifs de surveillance déployés en France. Pour cela, des travaux de recherche de plusieurs disciplines sont articulés afin de définir les risques que représente la mise en œuvre de ces techniques vis-à-vis des libertés fondamentales.
Mêler les disciplines pour croiser les regards
La semaine qui suit, l’opportunité d’un poste d’enseignant contractuel vient mettre fin à sa période de doutes quant au souhait d’intégrer la magistrature. « Avec un nombre d’heures très élevé, cette année m’a permis de découvrir l’enseignement. J’apprécie le contact avec les étudiants, mais aussi la liberté dont je dispose dans la construction de mes cours, sur mon emploi du temps et dans mon travail de recherche» soutient le jeune enseignant-chercheur. Désormais titularisé et qualifié par le Conseil national des universités (CNU) pour enseigner le droit et la philosophie, Yoann devra mener de front ses activités de recherche au laboratoire MICA avec ses autres projets tels que l’Observatoire de la surveillance en démocratie (OSD) ou encore sa participation au groupe de recherche DroitPhil basé à l’Université Jean Moulin Lyon 3 et visant à mutualiser les travaux de recherche en philosophie du droit.
Un poste de maître de conférences en droit au sein du département L.E.A dont l’ouverture a sonné pour lui comme une évidence. « Ce type de poste, qui répond à un fort besoin d’enseignement en droit en dehors d’une faculté de droit, est tout à fait singulier et me correspond tout à fait. Et puis c’est une création de poste qui fait suite à un départ pour intégrer la magistrature, dans l’université où ma mère a étudié : je ne pouvais pas ignorer tant de signaux. » conclut-il l’air amusé.
Écrit par Théophile Massat