À la découverte du microscopique vert
Yohann Boutté
Directeur de recherche CNRS, Yohann Boutté nous fait une fleur en livrant les raisons qui l’ont mené au sein du Laboratoire de biogenèse membranaire (LBM, CNRS – université de Bordeaux) et s’investir dans le projet ANR caLIPSO (qui travaille sur les mécanismes du pattern lipidique du réseau trans-golgien et ses rôles dans le tri des protéines, la polarité cellulaire et le développement des plantes). À la base de tous les écosystèmes, les plantes disposent de mécanismes aussi complexes que chez l’Homme. En étudier les détails, c’est le quotidien animé de Yohann Boutté.
Des rencontres qui plantent le décor
Démarrant son parcours universitaire à Amiens, près de sa maison d’enfance, il finit sa thèse à Paris-Orsay en se penchant sur la polarité cellulaire. Six ans de post-doctorat au nord de la Suède plus tard, il pose ses valises en 2012 à Bordeaux, au sein du laboratoire LBM. Motivé par les thématiques de recherche du LBM, l’étude des membranes biologiques, et plus particulièrement des lipides, il décide de prendre racine dans cette belle ville et devient directeur de recherche en 2022.
Les membranes biologiques des cellules végétales. Ce choix de spécialisation est le fruit des rencontres qui ont rythmé les premières années d’étude de Yohann Boutté. « À l’époque de la licence nous sommes 300, les contacts personnels avec les enseignants sont limités, confie-t-il, les stages c’est là où on rencontre les gens qui nous encadrent […] voir le côté réel de ce qui se passe au jour le jour dans un laboratoire ». L’intérêt pour les sciences expérimentales s’est ainsi déclaré très tôt, mais Yohann développe : « j’étais aussi très intéressé par les arts ».
« Il y a une forme d’art aussi dans ce qu’on fait en science. Nous, on fait énormément d’imagerie : regarder les cellules sous un microscope, les voir en vrai, ce qui se passe dans des cellules vivantes. »
Des expériences plein les poches
Dès l’enfance, Yohann Boutté a cultivé une fascination pour les plantes. Les sorties devenaient l’occasion de remplir ses poches des merveilles de la nature : « les formes, les couleurs, toute la diversité qu’il y a dans les plantes, c’est absolument incroyable » se rappelle-t-il. Ce travail de terrain, en revanche, ne trouve plus sa place dans les journées du chercheur : « Cela ne me manque pas […] les conditions contrôlées du laboratoire me permettent d’identifier des processus avec précision et c’est passionnant. » L’introspection et l’imagination sont des qualités qui caractérisent Yohann, celles-ci s’expriment particulièrement dans la recherche. Se poser des questions, émettre des hypothèses créatives est indispensable à la phase exploratoire primaire. « C’est en cassant les dogmes qu’on arrive à progresser » affirme le chercheur. Selon lui, ce qui est intéressant est de repousser sans cesse les limites du savoir, remettre en question la recherche. Le travail en équipe au laboratoire approfondit cette étape « ça permet cette ébullition d’idées : on se construit dans la diversité des opinions ». Intégrer les avis divergents fait la richesse de la science d’aujourd’hui.
Dans ce contexte florissant, Yohann Boutté s’attelle à un nouvel exercice : transmettre ses recherches au grand public. Ainsi, chaque année, le directeur de recherche participe à plusieurs actions de communication qui lui « permettent de prendre de la hauteur ». Semer ces graines dans l’esprit d’un public non-initié replace l’étude des plantes au sein de l’espace médiatique. C’est effectivement avec une fascination apparente que Yohann Boutté évoque les secrets des plantes « le vivant est capable de manipuler les réactions chimiques, et de les orienter, de les conditionner, de les rassembler dans un endroit pour les ségréger là, et favoriser des réactions plutôt que par rapport à d’autres ». Il continue « Les plantes produisent l’oxygène dans notre atmosphère en créant leur matière organique » et alarmant « si on n’arrive pas à cultiver les plantes demain, c’est tout le monde du vivant qui s’écroule en entier ».
Écrit par Gabrielle Laupie